Vivant chaque jour près de la forêt amazonienne, je peux admirer sa beauté : une variété de couleurs, une grande richesse d’espèces d’arbres, de plantes, d’animaux, et un processus délicat qui engendre une vie nouvelle. C’est merveilleux et étonnant. Si le monde de la nature est si beau et surprenant, combien plus le monde des humains, chatoyant des couleurs de l’arc-en-ciel, surprenant par le mystère de son existence.
Néanmoins le monde d’un petit homme, d’un enfant, est encore plus délicat et intéressant ! Aussi j’aimerais écrire quelques mots sur ce monde-là.
J’ai la chance d’entrer chaque jour dans cette réalité de simplicité, d’enfance, de rire, de vie… c’est un monde unique de désirs, d’attentes et d’innocence. Même si leur expérience de la vie est courte, elle est déjà marquée de souffrance, de lutte et de combat pour survivre. Beaucoup de ces enfants ont grandi rapidement face à la réalité brutale du Brésil. La pauvreté matérielle, et souvent la pauvreté morale de leurs parents, le manque du nécessaire, font que les enfants brésiliens grandissent plus vite et prennent sur eux la tâche des adultes qui souvent dépasse leurs forces. Mais tout cela, paradoxalement, ne leur enlève pas la joie qu’il porte en eux. Leur façon de vivre est marquée par la sérénité et la spontanéité. Chaque jour, dans les rues de notre quartier, je rencontre des visages souriants devant lesquels on ne peut passer indifférent et sans rendre le sourire. Vous entendez sans cesse : « bonjour ma sœur (bom dia, irmã !), comment vas-tu ? ». Et en plus, vous avez droit à une chaleureuse embrassade. Que peut-il y avoir de meilleur, de plus sympathique ? Souvent nous sommes invitées à jouer avec eux et à partager leur joie débordante.
L’enseignement au Brésil est obligatoire, bien sûr, mais beaucoup d’enfants ne vont pas à l’école par manque de places. Les familles changent de résidence à la recherche de travail. Les conséquences de ces changements inattendus ont des effets drastiques sur la vie des plus jeunes de la famille. L’environnement inconnu et les nouveautés qu’il faut affronter, sont souvent accompagnés d’une lutte pour la vie et de la difficulté à se faire accepter par les autres.
A Manaus (capitale de l’Amazonie) nous vivons et travaillons dans la banlieue de la ville. Nous accompagnons 25 communautés paroissiales et organisons la pastorale. Certains membres de l’une de ces communautés travaillent dans une grande ferme qui élève des poussins. Le travail de ces gens est un travail d’esclaves qui demande beaucoup de sacrifices. Les familles habitent à l’intérieur de la structure, et vivent dans des conditions difficiles à accepter. Beaucoup de ces familles arrivent pendant l’année scolaire, ce qui, bien sûr, affecte l’éducation des enfants. Le manque de places dans les écoles les empêche d’être scolarisés. Donc l’idée est née pour aider ces familles, au moins au début, d’organiser quelques activités pour les enfants.
Un matin par semaine nous rencontrons les enfants et à travers le jeu, « en fraude » nous faisons passer un programme d’enseignement. La réponse a été immédiate. L’enthousiasme et la joie de ces jeunes sont la plus grande récompense que nous pouvons recevoir. Lorsque la voiture apparait à l’horizon ils accourent de tous les coins de la ferme. Chacun veut aider. L’un saisit un sac de crayons, l’autre le magnétophone, instrument indispensable de ces réunions où le chant et la danse sont les matières de base. Et les autres agrippent la main de la sœur… sommet du bonheur ! Ces « petits miracles » sont notre joie indescriptible !
Ilona Pszczolkowska, fmm