Accompagnant un petit groupe de jeunes sœurs fmm, j'ai eu le privilège de participer à une veillée de prière et une nuit missionnaire avec les personnes sans-abris dans les rues de Paris pour le réveillon. Plus de 100 bénévoles (surtout des jeunes) se rassemblent pour participer à cette belle initiative des M.E.P. (Missions Etrangères de Paris). A plus de 40 ans, je n'avais jamais vécu ce moment - le passage à la nouvelle année - en compagnie d’inconnus. Dieu avait prévu pour moi cette surprise.
Avec 3 jeunes hommes et une jeune femme, nous voici dans la rue, assis avec un jeune réfugié du Tchad, Hamed. A minuit, un jeune de notre groupe sort quelques petits gâteaux de son sac, un autre sa thermos de thé chaud et moi, je lui tends un des cadeaux que les participants ont apportés. Des larmes de joie perlent sur ses joues : « En quatre mois dans les rues de Paris, c'est le meilleur souvenir que j'ai ! » Hamed est arrivé en France à la recherche d'une vie meilleure. À quelques pas de là, en le quittant, nous nous sommes arrêtés et avons prié pour que son espérance devienne réalité.
La rencontre de Hamed a été l'une des multiples de cette nuit-là. Marcel, 55 ans, a passé 12 ans dans la rue - une vie dure qui, pour autant, ne l’a pas recroquevillé sur lui-même. De la perte de son emploi à la vie dans la rue, entremêlant les clichés et les réalités, nous voyons comment « la vie dans la rue peut arriver à tout le monde » : nous avons lu dans son cœur comme dans un livre ouvert. Après presque une demi-heure de discussions où alternent gravité et fous-rires, nous reprenons notre tournée. En bordure de piste cyclable, nous apercevons Luc, un septuagénaire, bonnet fixé au ras des yeux et plusieurs épaisseurs d’habits sur le dos. Il nous fait tout un discours sur la joie de vivre. Un vrai philosophe !
Les problèmes d'ivresse ou de troubles mentaux ont parfois rendu difficile la communication avec certains. Bon nombre sont également vulnérables sur le plan santé, voire toxicomanes. Dans la majorité des cas, le thé ou la soupe chaude et les sourires chaleureux ont été les bienvenus. Chaque personne était différente, nous avons été attentifs à écouter sans juger et avons essayé d’établir une communication adaptée. Bien que j'aie déjà eu l'occasion de parler et de partager une boisson chaude ou des biscuits avec des personnes SDF, ce qui était unique, en cette expérience, c'était de m'asseoir à leurs côtés dans la rue, juste « comme eux », de manger et de boire « avec eux ».
De cette expérience, je garde un sentiment de gratitude pour les jeunes qui ont choisi cette mission le soir du Nouvel An au lieu de faire la fête avec leurs amis ; pour toutes les rencontres, toutes les expériences que les personnes sans-abris ont partagées, en particulier celles qui m'ont appris que la vie valait bien plus qu'il n'y paraissait. Je peux ainsi mieux comprendre ce que j'ai lu récemment dans un ouvrage d'Edith Eger intitulé, Le choix d’Edith - un hymne à la vie : « Nos expériences les plus pénibles ne sont pas un passif, mais un cadeau. Elles nous offrent du recul et du sens, une opportunité de trouver notre objectif et notre force personnels. »
Sr. Lilly Thayamkeril, fmm - Paris